BIOGRAPHIE

Arthur Thomassin


 

   Compositeur français né en 1958. Arthur Thomassin débute très jeune ses études musicales; pianiste de formation (élève de Anatol Dubb, Irina Gavrilovici, Myriam Marbé),  il étudie également l'orgue avec Horst Gehan, l'interprétation musicale, la musique de chambre, la direction d'orchestre, l'écriture et surtout l'analyse puis le répertoire de la musique contemporaine, ce qui le mènera plus tard à la composition musicale. 

    Le contexte de ses études et aussi familial, lui permet de rencontrer des personnalités marquantes de la musique russe, (David Oistrah, Leonid Kogan) et française, parmi lesquelles le compositeur et chef d’orchestre Tony Aubin, à l'époque en tournée de concerts. Par ailleurs, grâce à son père, il découvre la littérature internationale et devient le plus jeune "étudiant amateur" inscrit en philosophie à l’Université Populaire. En 1973 il est sélectionné comme pianiste pour un voyage d’étude pianistique à Weimar, Eisenach et Leipzig; soutenu par les interventions du violoniste Yehudi Menuhin, et surtout l'intervention du Président Georges Pompidou en 1974, il est libéré pour rejoindre une partie de sa famille en France.

    En 1991 à Madrid lorsqu’un journaliste lui demanda la date et lieu de sa naissance  pour l’inscrire sur un programme de concert, il lui répondit "falecio en 1974 porqué mis padres se equivocaron de païs y para sentir mi nacimiento en 1975 como el que soy, …y por fin creo que soy un monton de sonidos y palabras buscando el sentido de la obra humanista que debemos siempre grabar"

A Paris, il suit quelques années les cours de piano au conservatoire avec Lucette Descaves.  Manifestant son désir d’étudier la composition, il fait un choix décisif pour l’écriture. En 1977, boursier de la Fondation Gulbenkian, il suit au début un enseignement classique traditionnel avec le compositeur et chef d’orchestre Tony Aubin – disciple de Paul Dukas -  et Jacques Casterede en analyse. "Que suis-je finalement sinon un B.A.C.H. en continuelle révolution, synthèse géométrisée d’une architecture de l’âme, "métamorphose" et "hommage à Johan-Sebastian et Ludwig", sans cesse remodelé  entre l’existant et l’invisible supposé, entre deux phrases répétées par Debussy, dont chacune d’elles colore mes sensations, là où des oiseaux expriment le chant du maître Olivier offrant "la petite fleur"; que dois-je comprendre pour écrire ? peut-être rien d’autre que l’amnésie matérielle et la conscience de l’Histoire, afin de traverser le "Désert", de me "ioniser" sans cesse et d’aspirer au remarquable comme tout un chacun à travers un langage sensible qui ignore la violence extérieure, une "Licht" éternelle que je dois suivre depuis mon premier regard et de mes premières "notations"; regard de l’être  qui appartiendra toujours à son autre que je ne verrai qu’à la fin, un Instant si long et si court…mais est-ce souhaitable ? car un jour je vais pouvoir me taire lorsque le triangle pointera le chemin des profondeurs…" ( 1990).

   "Elève" atypique, soutenu par sa volonté et les encouragements de Tony Aubin et Lucette Descaves, il réalise sa première pièce pour orchestre, Le Mendiant d’après une toile de Murillo (1976). Cette œuvre d’un "apprenti" en écriture est un mélange "ouvert" entre l’orchestration post-romantique qu’il entreprenait à l’époque et une organisation formelle en "panneaux" dynamiques et d’intensité de couleurs, tel un puzzle de figures mélodiques définissant la "narration" en tant que mimétique. C’est grâce à un ami médecin qui dirigeait à l’époque un orchestre symphonique composé d’étudiants en médecine et des grandes écoles, que cette première œuvre fut créée à la Cité Universitaire de Paris (où il résida pendant trois ans) entre 1976 et 1979. Après le décès de Tony Aubin, auprès duquel il fit "paternellement" ses études, il fréquenta l’IRCAM et commença également à suivre quelques cours du compositeur Yvo Malec. A ces mêmes cours assistaient des compositeurs confirmés aujourd’hui; et dans cet environnement conservatoire, se déroulaient les rencontres avec les compositeurs Michael Levinas, Tristan Muraille, ceux de la classe d’électro-acoustique de Guy Rebel et bien d’autres.

   C’est lors de ces rencontres qu’il se liera d’amitié avec le compositeur Paul Mefano lors d’un concert où celui-ci dirigeait l’Ensemble 2E2M, puis qu’il fera connaissance avec I. Xénakis, rencontre marquante décidée par le hasard puisque le rédacteur du journal le Forum étudiant de l’I.S.G.lui demanda d’écrire un article au sujet du compositeur. Le rendez-vous avec I. Xenakis à son domicile pris l’allure d’un monologue de trois heures au sujet des calculs stochastiques, et suivi deux jours plus tard de la découverte de l’UPIC, dont les locaux vétustes se situaient derrière la Poste d’Issy-les Moulineaux.

   Après l’IRCAM qui lui permit d’assister aux conférences et cours du compositeur P. Boulez, ce fut la découverte du CEMAMU. Malgré la dimension fondamentale apportée par la technologie, sa conviction demeure toujours celle de la mixité, sorte de prolongement de l’apport technologique et non pas dans l’autonomie de l’expression attribuée aux langages "machine". A partir de cet élan de recherche d’un style et d’une esthétique personnelle, il fonda avec plusieurs amis étudiants compositeurs du CNSMP, l’association "Jeunes Créations", destinée à l’organisation de concerts avec leurs œuvres et aussi les sienne – La ballade de l’eau de Mer et la Romance Somnambule d’après les poèmes de F.G.Lorca, Sonare pour piano etc...

   Les trois années qui suivirent jusqu’en 1983, furent riches d’enseignement mais épuisantes du point de vue existentiel. En cette dernière année parisienne, la nostalgie des origines provençales et arméniennes, le pousse à retourner en Provence où il trouve un poste de professeur de formation musicale et d’analyse au Conservatoire de Carpentras. Durant toute cette période il composera plusieurs œuvres commandées par des Festivals (Avignon, Carpentras…), notamment Signes, concerto pour flûtes traversières, hautbois cordes et 1 timbale, un double concerto pour Cor, Hautbois et orchestre, sous la direction de son ami fraternel chef d’orchestre et corniste Philippe Perrin ; mais également à Paris, l’œuvre pour grand Orgue Processus sur les orgues de la Madeleine, interprétée par l’organiste Dominique Serve. Toujours en cette période, il dirige l’Ensemble T.E.M.P.P.O. (1985-1988) fondé par le guitariste Jean-Pierre Bonsant, et co-dirige l’orchestre d’Harmonie du conservatoire avec le trompettiste Michel Testenière.

En 1985, sa rencontre avec Franco Donatoni est à la fois amicale et "conflictuelle" à propos de l’unicité et du traitement du matériau sonore. Il défendra sa démarche stylistique face au monolithe que représentait Donatoni après la composition de son œuvre Ronda.

     Lors d’un de ces voyage à Paris, suivant les conseils de son ami compositeur Ch. Looten, mais également ceux de Lucettes Descaves il fit connaîssance avec le compositeur Marcel Landowski et décida de présenter le concours de la Casa de Velazquez. Pendant son séjour en Espagne, il composa plus de 18 œuvres et développera des collaborations avec des nombreux compositeurs, comme Tomas Marco, Adolfo Nuñes au CDMC Madrid, Guerrero, Masseda, etc…et organise de nombreux concerts en composant des pièces destinées à plusieurs ensembles dont l’Ensemble "Barcelona 213"  dirigé par Ernesto Izquierdo (concert au Studio 105 à Radio France), l’Ensemble Erwartung (ANKH) et l’Ensemble Itinéraire (Présence 2 d’après un texte de Octavio Paz, (concert à l’Auditorium Camara de la Radio España), un Sextuor pour cordes dédié à l’A.I.E.C. (concert au Circulo de Bellas Artes à Madrid)… En 1991, il obtient une commande avec l’œuvre pour violoncelle et informatique  (Présence I) au festival d’Alicante, puis "Présence S" pour bande seule lors de la rencontre électroacoustique du LIEM Madrid au Musée Miro à Barcelone.

Passionné par la poésie, il rencontre brièvement à Madrid le grand poète et écrivain Octavio Paz. Cette rencontre fut aussi importante et marquante du point de vue du concept de composition – notamment celle portée par les principes du "renga", que celle avec le poète Sanguinetti, ou le mime Marceau et encore l’analyse de certains textes de Beckett et la réflexion qu’il porta sur les écrits de "l’ou.li.po.". 

     Membre compositeur de la Casa de Velazquez à Madrid, Prix de composition Wildenstein, puis élu représentant des artistes de la Casa de Velazquez à l’Académie des Beaux-Arts, entre 1992 et 1994, il obtient plusieurs nominations du Ministère des Affaires Etrangères, Leonard de Vinci et Lavoisier ainsi qu’une bourse doctorale de recherche du Ministère de la Culture.

    Portant une réflexion approfondie sur le sens de l’écriture contemporaine, après trois ans passés en tant qu’allocataire de recherche auprès de l’Ecole des Hautes Etudes Sociales et l’IRCAM, il obtient en 1996 son doctorat consacré à l’analyse de la problématique de l’écriture musicale dans l’œuvres de F. Donatoni à l’EHESS-IRCAM-ENSP sous la direction du compositeur H. Dufourt.

     Lors d’un Colloque de Philosophie et d’Esthétique à Madrid en 1994 -Langage et Déhumanisation de l’Art - il rencontre le professeur Ana-Maria Leyra de l’université Complutense Madrid, les philosophes professeurs émérites N. Grimaldi et B. Bourgeois. Se liant d’amitié avec Ana-Maria Leyra et Enriqué Pajon son époux également écrivain et philosophe, il proposera une thématique commune de recherche analytique cognitive à partir de l’idée que dans le monde contemporain plusieurs cultures et ethnies vivent à des époques différentes de l’histoire occidentale, d’où l’interrogation du sens et entendement commun des langage sensibles et expressifs. Il dirige ainsi un programme international de recherche cognitive dans le domaine de l’Ecriture et de l’Image - programme CNRS-Ministère de la Culture, intitulé "L’Europe de l’Ecriture " et forme un groupe de recherche avec entre autres compositeurs et chercheurs de disciplines différentes, la musicologue et amie Ivanka Stoïanova.

     A travers ce programme organisé entre deux pôles universitaires principaux, Paris VII et l’Université de philosophie et de Philologie Complutense Madrid, il développe les aspects de l’écriture et de la notation musicale selon des fondements de la mémoire et de la perception, et organise des nombreux échanges et colloques dans le cadre de la section doctorale à Madrid et du laboratoire CNRS à Paris VII. Aujourd’hui à l’Université Complutense de Philosophie à Madrid, il existe toujours une section doctorale dénommée l’Europe de l’Ecriture et de l’Image.

     En 1997, le Conjuncto Cello Octet d’Amsterdam, sous la direction de Elias Arizcuren, l’invitera pour plusieurs concerts en Hollande, avec la commande et création de l’œuvre Analecta III pour 8 violoncelles (CD . 

     Le catalogue d’œuvres présente une large diversité de pièces de concert, discographie (telles Analecta II pour le quatuor Rosamonde CD MFA); Sueño  pour flûte à bec ou traversière et violoncelle) et des pièces pédagogiques, pour des ensembles instrumentaux et grand orchestre, telle  Analecta IX à la demande de L. Petitgirard. Sa collaboration avec le CDMC-LIEM lors de sa résidence à Madrid, étend également ses écrits musicaux à la musique informatique mixte, entre instruments solistes et sons numériques. (Doc. IRCAM, CDMC- La Villette Paris, CDMC-Museo Reina Sofia de Madrid, etc..)

    Après plusieurs années passées au CRR de Versailles en tant que professeur de formation musicale-analyse, il ressent la nécessité d’être décisionnaire dans la pédagogie musicale, et il prend alors la direction du Centre Musical Municipal de Cergy. A ce titre et parallèlement à l’enseignement conservatoire, il développe et encourage la sensibilisation et la découverte de la musique dite contemporaine auprès d’un large public populaire ainsi que la mise en situation des élèves de l’école, en invitant des ensembles et compositeurs en résidence (Orchestre Français des Flûtes avec P-Y. Artaud, le compositeur P. Mefano et G. Pape, l’Orchestre de Chambre de l’Ile-de-France sous la direction de J-W. Audoli, le compositeur espagnol Daniel Sprintz,).

    Ces rencontres furent ponctuées de créations œuvres musicales telles le cycle Analecta V pour contrebasse, Analecta VII pour ensemble instrumental, Hymne à Hypocrisis pour l’OFF avec P-Y. Artaud et l’orchestre du CMM, Le Chant d’Icare  commande de l’orchestre associatif "Le Vent se Lève", Mais Si…como una puerta que da al mar pour ensemble de musique contemporaine du CMM, etc…

Invité à des nombreuses occasions en Suisse et à Madrid, en 2010 sera créé Miroir Orange brisé au Festival de Musique du XXI s à Badajoz (Espagne).

   Dans le domaine des musiques traditionnelles, il organise un pôle de Culture et percussions africaines, des rencontres avec la poétique de la danse Tamoule et le programme des rencontres avec des ensembles de musique traditionnelles de Chine. Menant un engagement en profondeur de la pratique instrumentale en milieu scolaire, il organise et assure la logistique de l’équipe de professeurs chargés des " classes orchestre " en partenariat avec les établissements de l’éducation nationale.

En otobre 2014, Arthur Thomssin est nommé au poste de Diecteur du Conservatoire Départemental de Musique-Danse-Théâtre de Bobigny (Seine-Saint-Denis 93).

 

    Poétique et composition étant intrinsèques à la construction de chacune de ses œuvres, A.T. rédige souvent les textes à partir desquels il extrait le sens et le "synopsis" architecturé, construisant un monde sonore où toutes les voix, vocal et instrumentale, édifient l’expression d’ensemble. La divergence et la convergence des éléments créant le "volume" harmonique, sont volontairement fondée sur la compression et la dépression des figures se déroulant en apparence "chaotique" et constituant le palimpseste de la "forme" qui se constitue dans la linéarité mnésique des évènements sonores. L’émergence d’éléments sonores identifiables se retrouve englobée dans le volume de la dynamique des couleurs et l’intensité des masses sonores, instaurent souvent un "illogisme" apparent de l’architecture formelle: "chaque instant est la conséquence ou l’élément "inattendu" qui révèle les reflets d’un miroir-prisme tournant et qui représente l’abstraction de la mémoire, puis le renvoi innombrable, infini et anonyme. J’ajouterai la Vague qui revient toujours au même endroit mais jamais la même…oh si, peut-être qu’une seule fois, à la fin…au loin retentiront toujours les "trois coups du brigadier "…A.T.

Entretien "Une certaine vérité" propos recueillis par D.Périer